vendredi 26 août 2011

Bienvenue dans le monde réel


Notre expérience de la réalité reflète-t-elle la réalité? Rien n'est moins évident. C'est ce qu'ont montré depuis plus d'un siècle les découvertes de la physique quantique

La matière, qui paraît si sage et si placide, cache bien son jeu.
© Ben Heine’s - benheine.com



Complexes et défiant les perceptions sensorielles, les découvertes qui ont ébranlé depuis plus d’un siècle les sciences physiques sont souvent passés inaperçues. Pourtant, elles giflent magistralement notre vision souvent classique du monde. Le physicien Niels Bohr estimait que « quiconque n’est pas choqué par la mécanique quantique quand il la découvre ne l’a certainement pas comprise. »

D’abord, le réel n’a rien de « solide ». S’il nous apparaît tel, ses « constituants » eux, ne le sont pas. Le physicien Bernard d’Espagnat le résume d’une phrase : « Les objets de notre expérience, aussi bien macroscopiques que microscopiques, n’ont en définitive pas plus d’existence en soi que les arcs en ciel. » Au niveau microscopique, tout est vibration, énergie, probabilités d’être. Rien n’est figé. L’expérience que nous avons du réel ne correspond pas à ce qu’est le réel. 

Deuxième découverte : au niveau microscopique, des liens existent, qui se jouent du temps et de l’espace. Deux particules associées, puis séparées, gardent un lien, de telle sorte que tout changement qui affecte l’une affecte instantanément l’autre. Ce principe se nomme la non localité. Autrement dit, la physique quantique suggère que le réel qui nous entoure, dont nous faisons partie, participe d’une dimension hors de l’espace et du temps, où tout est lié

Elle a aussi établi qu’il existe, à l’œuvre, un principe ordonnateur qui n’est ni le hasard, ni la causalité du type : une cause A produit un effet B. Une danse dans la « matière » si tant est que ce mot puisse encore être employé, donne forme et cohérence à notre monde. 

Enfin, elle nous a détrônés de notre piédestal d’observateurs qui peuvent tout connaître du « réel ». Jusqu’à ses découvertes, nous pensions que nous pouvions mesurer, peser, disséquer un monde physique qui nous entourait, que nos sens percevaient. Il n’en est rien. Car c’est en mesurant, en pesant, en connaissant le monde, que nous le forçons à se déterminer. Ce que nous observons en science n’est pas le « réel », mais le réel tel que nous l’observons. Lorsque la particule n’est pas mesurée, et bien elle ne se présente pas sous la même forme ! Autrement dit, la science ne nous parle pas du monde en soi, mais d’une apparence du monde qui n’est pas la réalité ultime. « Ni la forme, ni la couleur ni les dimensions ni le matériau d’une table ne sont altérées par le seul fait de l’observer. Il n’en est pas du tout de même lorsqu’on s’intéresse à des entités extrêmement petites » explique Jacques Boucrot, agrégé de physique, directeur de recherches honoraire au CNRS. Comment passe-t-on du monde microscopique, en état quantique, au monde macroscopique tel que nous le connaissons (ce qui s’appelle aussi « réduction du paquet d’ondes ») ? 

« Le physicien Eugène Wigner, prix Nobel de physique 1963, allait jusqu’à dire qu’en physique quantique la réalité matérielle du monde est déterminée par la conscience de l’observateur » ajoute Jacques Boucrot, ce qui « est toutefois invérifiable en l’absence d’une définition scientifique de la conscience ». Reste que la question n’a pas été posée par des adeptes du New Age, mais par des physiciens dont la contribution à la science fut immense. Voici donc une science qui nous invite à repenser le réel qui nous entoure, les rapports entre notre conscience et ce réel, et enfin les rapports de la science avec le monde. Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod concluent ainsi leur livre Le Cantique des quantiques« la philosophie de base de notre civilisation reste le matérialisme mécaniste. Les idées simples (voir simplistes) ont une force redoutable, et leurs échecs n’impressionnent que les spécialistes. Il a fallu des décennies pour que l’hypothèse de Galilée sur la rotation de la terre soit acceptée, et des siècles pour sa condamnation par l’Eglise soit annulée. Combien de temps faudra-t-il pour ébranler les croyances actuelles ? »




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