Selon la Cour pénale internationale, le crime contre l’humanité c'est :« tout acte inhumain qui cause de graves souffrances ou atteintes à la santé physique ou mentale de celui qui le souffre, et commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile ».
Depuis la Seconde Guerre mondiale nous nous sommes familiarisés avec ce concept et l’idée que, quelle que soit leur ampleur, il est possible et obligatoire d’enquêter sur ces crimes afin de traduire les coupables devant la justice internationale pour leur faire payer leurs actes.
L’Islande est le seul pays à avoir poursuivi pénalement les responsables de la crise. C’est également le seul pays à avoir laisser ses banques s’effondrer. Tous les autres gouvernements protègent ceux qui ont provoqué la crise.
Des situations telles que celles qui ont généré l’actuelle crise économique ont conduit à commencer à parler de crimes économiques contre l’Humanité. Le concept n’est pas nouveau. L’économiste et prix Nobel de la spécialité, Gary Becker, avait déjà introduit sa «théorie de la criminalité » au niveau microéconomique.
La probabilité qu’un individu commette un crime dépend, pour Becker, du risque pris, du possible butin et des peines encourues. Au niveau macroéconomique, le concept a été utilisé dans les discussions sur les politiques d’ajustement structurel promues par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) au cours de années 80-90, et qui ont eut d’énormes conséquences avec de graves coûts sociaux pour les personnes en Afrique, en Amérique latine, en Asie (au cours la crise asiatique de 1997-98) et en Europe de l’Est.
Beaucoup d’analystes ont signalés ces organismes, les politiques qui les ont subventionnés et les économistes qui les ont conçues comme responsables, et tout particulièrement le FMI qui perdit une bonne partie de son prestige après la crise asiatique.
Aujourd’hui, les pays occidentaux sont ceux qui souffrent des coûts sociaux de la crise financière et de l’emploi, ainsi que des plans d’austérité qui sont censés lutter contre elle. La perte des droits fondamentaux tels que l’emploi, le logement et la souffrance de millions de familles qui voient leur survie en danger sont des exemples effrayants des coûts de cette crise. Les ménages vivant dans la pauvreté sont en train d’augmenter du manière exponentielle.
Mais qui est responsable? Les marchés, c’est ce que nous lisons et entendons tous les jours…
Dans un article publié dans BusinessWeek du 20 Mars 2009 sous le titre « Wall Street : crimes économiques contre l’humanité », Shoshana Zuboff, ancien professeur à la Harvard Business School, soutenait le fait que lorsque l’ensemble des responsables de la crise nient les conséquences de leurs actions, ils démontrent à la fois « la banalisation du mal » et le « narcissisme institutionnalisé » dans nos sociétés.
C’est un échantillon du manque de responsabilité et de la «distance émotionnelle » avec lesquelles ceux qui ont accumulés des millions, sont ceux qui maintenant nient être en relation avec le préjudice subit. Blâmer seulement le système ce n’est pas acceptable, tout comme il aurait été inacceptable d’accuser seulement les idées dans les crimes nazis et non pas ceux qui les avaient commis.
Blâmer les marchés est en fait rester à la surface du problème. Il y a des gens responsables, et se sont des personnes et des institutions concrètes :
Celles et ceux qui ont défendu la libéralisation incontrôlée des marchés financiers
Les cadres et les entreprises qui ont bénéficié de l’excès du marché durant le boom financier
Celles et ceux qui ont permis leurs pratiques et leur permettre actuellement de sortir indemnes et renforcés, avec plus d’argent public, en échange de rien
Les entreprises telles que Lehman Brothers ou Goldman Sachs
Les banques qui ont permis la prolifération des crédits poubelle
Les commissaires aux comptes qui ont certifié et garanti les comptes sociaux
Les personnes qui, comme Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine sous les gouvernements Bush et Clinton, sont contre la réglementation des marchés financiers
La propre FED qui, depuis 2008, n’arrête pas de faire marcher la planche à billets ce qui provoque, entre autres, l’augmentation de toutes les matières de premières nécessités dans le monde et met en danger son propre peuple
John Paulson, qui a empoché 5 milliards de dollars de profits en 2010 en continuant ses pratiques financières comme si de rien n’était
Les entreprises du CAC 40 qui ont gagné 140 milliards d’euros en 2010 distribuant des dividendes aux actionnaires ou investissant en auto financement sans créer d’emplois
Les multinationales qui, tel que Telefonica SA depuis sa privatisation, conçoivent des plans de licenciements massifs alors que les résultats annuels sortent en bénéfices et non pas en pertes, ce qui démontre qu’il n’y a aucune logique prévue de développement durable à long terme, mais seulement une stratégie de rentabilité capitalistique individuelle à court terme.
En ce sens, sur les origines de la crise de 2008, la Commission du Congrès américain a été instructive.
Créée par le président Obama en 2009 pour enquêter sur les actions illégales ou criminelles de l’industrie financière, elle a interrogé plus de 700 experts. Son rapport, publié en Janvier dernier, a conclu que la crise aurait pu être évitée.
Il signale des défaillances dans les systèmes au point de vue de la réglementation et la supervision financière du gouvernement et des entreprises, dans les pratiques comptables et d’audit et dans la transparence dans les affaires.
La Commission a examiné le rôle direct de certains géants de Wall Street dans le désastre financier, par exemple dans le marché des subprimes, et celui des agences chargées du classement des obligations.
Si il est important de comprendre les différents degrés de responsabilité de chaque acteur de ce drame, ne sont pas admissibles ni le sentiment d’impunité sans « responsables » et ni l’actuelle politique économique de répression que nous subissons tous, à tous les niveaux.
En ce qui concerne certaines des victimes des actuels crimes économiques :
En Espagne, avec 20% de taux de chômage depuis plus de deux ans, le coût humain et économique est monté en flèche. Des milliers de familles en subissent les conséquences pour avoir cru que leurs salaires de « milleuristes » paieraient l’hypothèque.
Résultats: 90.000 saisies en 2009 et 180.000 en 2010 avec les expulsions qui suivent. Notez qu’en Espagne, bien que la banque encaisse la vente aux enchères après avoir saisi l’immeuble, l’ancien propriétaire doit encore 80% de la dette à l’organisme bancaire.
En France, il y a 6 millions de chômeurs et 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour mémoire, en Mars 2011, d’après les statistiques du ministère du Travail français lui-même, 57% des offres d’emplois correspondent à des contrats de travail de moins de 6 mois. Le système est en train de créer encore plus de précarité.
Aux États-Unis, le taux de chômage représente la moitié de celui de l’Espagne, mais suppose environ 26 millions de chômeurs, ce qui signifie une augmentation énorme de la pauvreté dans l’un des pays les plus riches du monde. Selon la Commission sur la crise financière, plus de quatre millions de familles ont perdu leurs maisons, et quatre
millions sont en cours d’expulsion.
Onze milliards de dollars de «patrimoine familial» ont «disparu» quand leurs actifs ont perdu de la valeur, y compris les maisons, les pensions et l’épargne.
Une autre conséquence de la crise est son effet sur les prix des denrées alimentaires et autres produits de base, secteurs auxquels les spéculateurs se déplacent avec leur capital (FED incluse). Le résultat c’est l’inflation et la pauvreté qui augmente.
Dans certains cas notoires comme celui de Madoff, l’auteur est en prison et les poursuites engagées contre lui car ses victimes ont du pouvoir économique.
Mais en général, celles et ceux qui ont provoqué la crise, non seulement ont encaissé des bénéfices fabuleux, et ne craignent aucune représailles de quelque nature que ce soit. Personne n’enquête leurs responsabilités ni leurs décisions.
Les gouvernements les protègent et l’appareil judiciaire ne les poursuit pas.
En Europe, il y a un bon exemple actuel qui démontre tout ce que j’ai expliqué auparavant : il s’agit du très célèbre projet « pacte de compétitivité» franco allemand, rebaptisé (avec plus de douceur médiatique) « Pacte pour l’Euro ». S’y référant, l’actuel président du Conseil de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, a récemment déclaré:
« Notre but ultime est de créer des emplois. »
Il l’a très bien dit d’ailleurs : c’est son dernier objectif, et non pas le premier malheureusement. Avant l’emploi en Europe, il y a l’euro, le mécanisme de sauvetage ou la «gouvernance économique».
Nos technocrates se sont vendus, ou plutôt ont vendu leurs âmes au diable. Ils ont complètement oublié que leur mission principale, à partir du moment où ils acceptent d’être des acteurs politiques démocratiquement élus, est celle de servir leurs peuples respectifs.
Par conséquent, en acceptant de fermer les yeux sur les pratiques illégales menées jusqu’en Septembre 2008, de sorte que les responsables commerciaux et/ou bancaires ne soient ni poursuivis ni punis, ces mêmes technocrates se retrouvent maintenant dans une impasse parce qu’ils se sont convertis en complices de ce qui s’est passé et tout ce qui reste à se produire.
Si nous avions des notions claires de ce qu’est un crime économique et s’il existait des mécanismes pour enquêter et poursuivre, on aurait pu éviter beaucoup des problèmes actuels. Ce n’est pas une utopie.L’Islande offre un exemple intéressant. Plutôt que de renflouer les banquiers qui ont ruiné le pays en 2008, le procureur général a ouvert une enquête pénale contre les auteurs.
En 2009, le gouvernement tout entier a dû démissionner et le remboursement de la dette bancaire a été bloqué. L’Islande n’a pas socialisé les pertes comme le font de nombreux pays, y compris l’Espagne, mais a accepté que les responsables soient punis et que leurs banques fassent faillite.
De la même manière que les institutions et les procédures ont été créées pour juger les crimes politiques contre l’Humanité, il est l’heure de faire la même chose avec les crimes économiques commis par des institutions (quelles qu’elles soient) et des personnes physiques contre l’Humanité.
Maintenant c’est le bon moment, compte tenu que leur existence est difficile de réfuter.
Il est urgent que la notion de «crime économique» soit incorporée dans le discours citoyen et que l’on comprenne toute son importance pour construire une démocratie économique et politique réelle.
Au moins, tout cela fera apparaitre le besoin urgent que nous avons de réguler les marchés pour qu’ils soient au service de la société, et non vice versa.
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